Le mois d’avril est décrit dans l’hexagramme 34
Vigueur de ce qui est grand ( M.vinogradoff, La marche du destin. Dervy éd.)
Grand force ( C.Javary et P.Faure, Le livre des changements. A.Michel éd.)
Dates : début avril-début mai.
Processus : l’hexagramme 34 exprime la partie du cycle de la nature (dont les humains font partie, rappelons-le) advenant après l’équinoxe de printemps. Les 4 traits pleins (force yang) surmontés de 2 traits divisés (force Inn) expriment un état de forces dans lequel le yang est majoritaire. Chacun peut sentir pousser l’ensemble des forces de vie vers l’extérieur. Les fleurs se fanent et laissent place aux fruits : c’est donc la fin du printemps.
Dynamique : La poussée de vie vers le dehors est naturelle. Rien ne sert de la surexciter. Il convient de réguler la force d’expansion, d’éviter de rejeter prématurément ce qui empêche cette expression, ni faire durer indûment ce qui l’emprisonne.
Représentation graphique : L’idéogramme décrivant cette montée du yang est un des plus simples de tous. Il représente un « être humain posé sur deux jambes, les bras étendus pour mimer le geste universel évoquant la notion de grandeur », ( Cyril Javary. et Pierre Faure.). Ce signe figure le Ciel , météorologique ou spirituel, donc la limite supérieure de la grandeur.
Un autre idéogramme le complète. Il comprend sur sa droite le signe désignant la terre et à côté, la moitié gauche du caractère arbre. D’après C.J. et P.F., l’idéographie chinoise attribue à la partie droite du caractère arbre la fonction de désigner ce qui est petit, mince et fragile : dans cette direction tombent les branchettes. La partie gauche dessine le tronc. Elle évoque ce qui est gros, fort, solide et épais.
Entrant dans des détails pour érudits inutiles ici, les auteurs y voient l’évocation d’une force à l’état brut.
Pour traduire ces idéogrammes, deux possibilités sont données : l’une serait le Grand (nom chinois du Yang) force, (comme passer en force, pousser pour se faire sa place) et l’autre, la force qui tend à dominer( sa nature) est grande (sous-entendu : yang).
Dynamique : La représentation graphique et les hésitations des traducteurs donnent des indications : une puissance d’action au-delà de celle des humains, et donc en eux, est à l’œuvre dans la nature. L’utiliser ou s’en glorifier est une erreur. En avril, il convient de maîtriser son énergie d’action et de transformation du monde qui entoure. Elle doit être canalisée pour éviter de se perdre ou de blesser quiconque, soi-même y compris.
Les 6 traits mutants expriment les attitudes à avoir pour agir au plus juste dans 6 situations auxquelles chacun peut être convié.
1er trait mutant : Traduction de C.J. et P.F. : Force aux pieds. Impasse pour des expéditions. Il y onde porteuse.
Traduction de M.V. : vigueur dans les orteils. Faire une expédition punitive malheur. Posséder la sincérité.
Avec les pieds commence le mouvement. Apparaissant au premier trait, celui du début, il désigne un mouvement inexpérimenté, sans fondation. La tendance à s’imposer brutalement est grande. La retenir quand le désir d’action démange et qu’on ne sait pas assez où l’on va est une nécessité. D’abord s’enraciner pour pouvoir se déployer ultérieurement. La confiance acquise lors de ce temps d’attente sera bénéfique pour la suite.
2ème trait mutant : Bonheur dans la constance ( M.V.)
Présage d’ouverture ( C.J. et P.F.)
La fluidité des actes et relations dépend de la constance avec laquelle est régulée la grande force ( traduire force yang). Ce trait désigne à la fois une situation où sont présentes bon nombre de réalisations possibles et la manière la plus juste de s’y comporter : puisque l’expression naturelle des forces va vers le dehors, rien ne sert de les doper par un volontarisme excessif. Les accompagner par l’endurance est suffisant, sinon la croissance naturelle sera immobilisée.
3ème trait mutant : L’Être Petit opère par Force. Le Chef Accompli opère sans. Présage de danger. Le bélier fougueux donne de la tête contre la haie. Il s’y lie les cornes. ( C.J. et P.F. )
L’homme insignifiant use de vigueur. L’homme accompli use de liens. Calamité dans la constance. Le bélier frappe la palissade avec ses cornes. Ses cornes s’y emmêlent. ( M.V.)
En Chine, comme dans notre astrologie, la force d’avril est décrite par l’image du bélier.
Le 3ème trait représente les situations durant lesquelles une force jaillit vers l’extérieur. Quand on est animé intérieurement par une grande force ( force yang), la pousser pour forcer le passage et dénouer des nœuds trop serrés est une preuve de sottise ( Etre Petit, homme insignifiant). Cela désigne les attitudes réactives, inférieures aux attitudes actives, créatives, qui donnent corps aux lignes de force d’une création encore en germe. User de liens signifie rassembler avant de se lancer.
Le bélier, image de la force brute, instinctive, se lance, sans avoir réfléchi, dans l’action. Par son obstination aveugle, il empire l’obstruction naturelle en ne tenant aucun compte des conséquences pourtant prévisibles de ses actes. Il nie le danger, se contentant d’un vague : « on verra bien après… »
4ème trait mutant : Bonheur dans la constance. Le repentir disparaît. Brèche dans la palissade on ne s’y accroche pas. Vigueur dans les semelles de bois qui emportent les essieux du grand char. ( M.V.)
Présage d’ouverture. Tout regret disparaît. La haie s’ouvre. On n’est plus lié. Force à l’essieu du grand chariot. ( C.J. et P.F.)
Quand l’état des rapports de force permet l’expression d’une grande puissance d’agir ( image de la brèche dans la palissade), il est possible d’intervenir pour contribuer à éroder les obstacles. Brèche en chinois s’écrit en combinant issue et eau. Cette dernière finissant par tout user, encore une fois, le texte convie à un déploiement de force sans usage excessif.
Le chariot, image de la force déjà construite, différente de la vitalité instinctive du bélier, représente des données solidement existantes, visibles aux yeux de tous.
« Tout regret disparaît » : cette formule désigne un moment permettant d’aller vers l’avant sans nostalgie. On la rapporte pour ce trait mutant à l’état de la palissade ( obstacle entre le dedans et le dehors) et à la présence du chariot ( image d’un contenant qui peut aussi se déplacer).
Essieux est l’emblème de l’action du Inn : force de liaison entre les composantes d’une structure.
5ème trait mutant : Perdre le bélier dans le changement. Pas de repentir. ( M.V.)
Perte des béliers à la ville de Yi. Pas de regrets. ( C.J. et P.F.)
Le mot changement et la ville nommée Yi ont la même graphie. Commentateurs et traducteurs ont donc le choix.
Toutefois, bouc, satyre ou bélier de printemps, ce court texte peut, d’après certains érudits, évoquer les mésaventures d’un marchand d’animaux de l’antiquité, plus pressé de se ruer sur les femmes que de surveiller son troupeau.
Une autre traduction possible est : quand la structure de la situation est fluide par elle-même, aucun besoin d’agir comme une brute et ( « pas de regrets ») qu’il n’y a rien à regretter de se comporter ainsi.
6ème trait mutant : Le bélier fougueux donne de la tête contre la haie. Il ne peut pas reculer. Il ne peut pas aller de l’avant. Aucun lieu n’est profitable. Difficultés donc ouverture. ( C.J. et P.F.)
Le bélier frappe la palissade avec ses cornes. Ne pas être capable de se retirer. Ne pas être capable d’avancer. Pas de lieu opportun. Difficulté alors bonheur ( M.V.)
Si d’aventure, on est impliqué dans une situation inextricable, vouloir en sortir en force est inapproprié. Les deux traductions l’expriment clairement. Seule la faculté d’accepter d’endurer patiemment la situation permet de garder sa cohérence et de profiter des circonstances pour devenir plus humain ( difficulté alors bonheur).
Jean-Gabriel Foucaud