Vivre en mai : se sortir d’impasses sans compromettre l’avenir
Le mois de mai est décrit dans l’hexagramme 43
Issue ( Michel Vinogradoff , YI JING La marche du destin Dervy éd.)
Se montrer résolu ( Cyril Javary et Pierre Faure, YI JING Le livre des changements ).
Processus : En mai dit un vieux proverbe français : « fais ce qu’il te plaît », plus difficile à interpréter qu’il n’y paraît. Peut-être est-ce un avertissement ironique : « vas-y et tu verras bien ! » ou une pensée plus sagace : « trouves une façon de faire qui te plaise ou dans laquelle tu te plais ( tu t’aimes).
Un autre prévient : « les amours de mai sont les amours des ânes», animaux dont on sait qu’ils ne montent pas facilement les côtes, les difficultés donc, même avec mille supplications et carottes d’appoint. Lors de ce premier mois d’été, ‘’ça ‘’ sort de tous côtés, mais dans quel état arrivera t’on en juin ?
Ce mois est connu pour être un des plus fertiles en violences, accidents de toutes sortes, internements et délires, expressions politiques vigoureuses. Un des plus propices donc pour l’apprentissage de la sagesse dans l’expression de ses forces de vie vers autrui, pour apprendre à doser « fermeté et adresse », selon C.J.et P.F. (C.Javary et P.Faure)
La sensation partagée par tous est qu’il s’agit de sortir d’une situation dans laquelle un excès de forces vives est accumulé sans pouvoir s’exprimer. C’est aussi décider, et donc choisir parmi les possibles, en retenant l’un et en écartant l’autre ou les autres.
Représentation graphique :
L’idéogramme représente une latte de bois sur laquelle sont dessinées des encoches lors d’une négociation. Après accord, chaque contractant en garde une partie. Le rapprochement servant à valider le contrat, si besoin était, pour la suite. C’est donc la définition d’un symbole qui unit tout en reconnaissant une place et une identité différente à chaque partenaire.
Cet idéogramme se combine au signe des poteries pour désigner un vase ébréché et à celui de l’eau pour décrire une eau s’ouvrant un passage à travers une digue.
Dynamique :
En mai, ou dans toute situation pouvant intervenir à n’importe quel moment de l’année dans laquelle on éprouve beaucoup de forces et une issue pour les exprimer, des décisions dynamiques sont à prendre.
C’est le moment de parler haut et clair. Mais convient t’il de se laisser emporter et de prononcer des paroles violentes ou blessantes ? Non ! Retenir l’expression vigoureuse à l’excès de ses forces est l’apprentissage de mai.
Quel est le texte de cet hexagramme ?
Résolument se manifester à la Cour du Roi.
Appel porteur. Il y a danger.
Avertir son propre fief. Pas profitable de recourir aux armes.
Profitable d’avoir où aller( C.J. et P.F.)
Construire un monde intérieur fort ( « fief ») est un préalable à une expression vigoureuse de ses sentiments (« résolument se manifester à la Cour du Roi »). « Avertir son fief », c’est aussi demander à quelques proches, et égaux en statut, leur sentiment si l’on a à exprimer un avis vigoureux vis-à vis d’un supérieur ou d’un personnage important de sa vie (« Cour du Roi »), dont on dépend ou dont on a dépendu. Ainsi se garantit t’on de ne pas outrepasser la bienveillance nécessaire au remodelage des situations tendues.
Au plan émotionnel, cela permet d’éviter de confondre détermination ( « appel porteur ») et agressivité blessante ( « il y a danger ») et de ne pas insulter l’avenir dans des relations importantes.
S’avancer armé dans le conflit, c’est en mai, être odieux et s’affaiblir pour le long terme en ayant confondu agressivité et construction d’une nouvelle position. Cela aboutit à diminuer sa force interne.
En mai, l’ennemi, c’est l’outrance.
Trait mutant 1
Vigueur dans la partie antérieure des orteils. En allant ne pas vaincre, cela sera une erreur (M.Vinogradoff)
Force dans l’avancée des pieds. Aller sans vaincre quelle faute ( C.J. et P.F.)
L’impulsion, la démangeaison, sont insuffisantes pour sortir d’une situation étouffante. Si l’on est au début d’une situation qui pousse à bousculer les murs dans lesquels on se sent enfermé, à tout moment de l’année ou durant le mois de mai, la force est seulement au « niveau des pieds ». Elle n’a encore atteint ni la tête (réflexion), ni le cœur ( amabilité). De ce fait, elle s’exercera impulsivement et provoquera des dégâts. Avant de se lancer dans une expression vindicative, il vaut mieux faire le point quant à ce que l’on veut vraiment : un temps de réflexion est plus urgent que tout.
Il vaut mieux monter le long des traits et y découvrir l’attitude appropriée.
S’il convient de remporter une victoire (« aller sans vaincre », traduire : sortir d’un enfermement), éviter une forme de combat fermant les portes de l’avenir avec qui l’on est en relation à long terme est indiqué.
Trait mutant 2
Appel à la vigilance. La nuit, il y a des combats. Pas de crainte à avoir ( C.J. et P.F.)
Proclamer avec respect. Au coucher du soleil, il y a des armes. Pas d’inquiétude. ( M.V.)
Au coucher du soleil, on est « entre chien et loup », pas toujours assez malin pour discerner la réalité dans sa complexité. L’ « appel » ( s’adresser à autrui), peut se transformer en hurlement stupide. Les actions doivent donc être effectuées avec un maximum de conscience quant à leurs conséquences. Par exemple, se demander si l’on a bien vu ses interlocuteurs sous suffisamment d’aspects et pas seulement sous l’angle de ce qui provoque colère ou ressentiment.
Si l’on une stratégie vraiment pensée et réaliste et respecté suffisamment à qui l’on s’adresse, l’oracle dit « pas de crainte à avoir ».
Trait mutant 3
Force sur le visage. Il y a fermeture. Le Chef Accompli est RESOLUMENT RESOLU. Agir autonome. Rencontrer la pluie. En être comme imprégné. Il y a des rancoeurs. Absence de faute. ( C.J. et P.F.)
Vigueur dans les pommettes. Il y a du malheur. L’homme accompli décide de l’issue. En faisant route seul il rencontre la pluie. S’il est mouillé il y a du ressentiment. Pas d’erreur. ( M.V.)
Au 3ème trait, on en est seulement au moment où le monde intérieur s’exprime vers autrui.
Quand la force n’est plus seulement au niveau des pieds ( démangeaisons ) mais à celui du visage (paroles) , le risque est la vocifération grimaçante qui provoquera la rupture du dialogue. En revanche, si le Chef Accompli est RESOLUMENT RESOLU ( majuscules des commentateurs, manière de marquer le superlatif), alors il (c’est à dire cette attitude) saura faire la différence entre expression haineuse et détermination à refonder sa position face à ses interlocuteurs.
« Rencontrer la pluie », c’est savoir dissoudre les tensions et rétablir les communications en dissipant les aigreurs, les siennes et celles d’autrui. Pour cela, une action concrète est à envisager. Elle est propice à la reconstruction de soi et de ses relations.
La « colère et les invectives » ( C.J. et P.F.) sont la preuve que son propre positionnement est inapproprié, preuve de rigidité plutôt que de droiture et d’arguments incomplets ou tendancieux. Une citation d’un des frères Marx, Groucho, peut aider à sentir la différence entre bêtise arrogante et refonte de ses positions : « Il est difficile de reconnaître ses torts quand on fait soi-même les questions et les réponses ».
Si la pluie mouille seulement au lieu de détendre, l’attitude a été présomptueuse au lieu d’être celle d’un Chef Accompli.
Trait mutant 4
Fesses sans peau. L’agir fait étape un moment. Bélier tenu par une longe. Tout regret disparaît. Des paroles sont entendues sans être entendues. ( C.J.et P.F.)
Fesses sans peau. Faire route en étant sur le point de faire halte. Mener un mouton le repentir disparaît. Entendre des paroles sans les croire ( M.V.)
Le 4ème trait est celui de l’extériorisation. A l’étape précédente, seul un Chef Accompli pouvait agir sans empirer la situation. La réalité, dans la situation vécue ici, est nue, en somme dévoilée :« fesses sans peau », traduire : impossible de marcher sans souffrir . Les protagonistes sont sans protection, comme orphelins de leurs points d’appuis habituels. Le « bélier » ( force brutale) doit être contrôlé. S’il est « mouton » ( M.V.), il a juste à attendre la suite, sans honte, étant dépourvu de pouvoir.
Si des paroles sont entendues sans l’être vraiment, c’est que la perception d’autrui est trop incomplète pour tenir compte de sa complexité. Donc, pour quiconque est confronté à la prédominance de la douleur et à une argumentation tendancieuse, « tenir la longe à son bélier » est profitable.
Trait mutant 5
Le pourpier comestible est RESOLUMENT RESOLU. Agir au Milieu Juste. Absence de faute ( C.J.et P.F.)
Haute plaine avec de l’amarante décider de l’issue. Marcher au centre pas d’erreur. ( M.V.)
Une résolution (une refondation de ses positions) , pour être juste ne s’accompagne pas de brutalités, mais d’une attitude particulière : être au bon endroit au bon moment, avec des sentiments élevés.
Le pourpier est une plante dont les feuilles se dressent avec vigueur et cassent si elles reçoivent un coup sec. Traduisons : si toutes les données d’un problème ont été soigneusement pesées, les difficultés peuvent disparaître si l’on agit au bon moment et avec doigté. Cela réclame une démarche de grande qualité.
Trait mutant 6
Pas d’appel, à la fin fermeture ( C.J. et P.F.)
Sans proclamation à terme il y a du malheur ( M.V.)
Le 6ème trait 6 est celui de la fin de la situation. Dans le cas de cet hexagramme décrivant soit une situation particulière soit l’art de vivre en mai, l’échange est difficile et le dialogue limité.
Si l’on n’a pas la force de créer la sortie de l’enfermement, d’exprimer ( « appel » ) avec justesse ce qui étouffe de façon à ouvrir une brèche dans sa « prison », mieux vaut attendre un moment plus favorable et retenir sa langue.
Jean-Gabriel Foucaud